En décembre 2021, à la suite du visionnage de la vidéo de Camille Etienne et Avant l’orage « Réveillons-nous », j’ai pris conscience que les petits gestes du quotidien ne nous permettront pas de répondre à l’urgence climatique absolue dans laquelle nous nous trouvons. Au début, cela a intensifié mon éco-anxiété, puis je me suis servi de cette peur et de cette colère comme des carburants pour passer à l’action. Je me suis renseigné davantage sur les conséquences et les impacts du réchauffement climatique, je me suis mis à suivre un maximum de personnalités militantes mais également des médias engagés sur les enjeux climatiques. J’ai débuté un travail de sensibilisation sur les réseaux sociaux ainsi que sur mon site internet afin de transmettre une part des connaissances que je commençais à acquérir, j’ai arrêté totalement la consommation de poisson après avoir arrêté celle de la viande en 2018, je me suis rapproché de scientifiques et de personnes engagées, puis pour finir, j’ai rejoint des mouvements militants de désobéissance civile ainsi que des associations comme Quota Climat afin d’intensifier la pression sur nos décideurs politiques et placer enfin l’urgence climatique comme le prisme par lequel tout le reste doit être regardé. Durant ce processus de mise en action, j’ai découvert le média Humeco qui proposait du contenu sur les enjeux climatiques et sociaux. J’ai accroché directement au mode de sensibilisation utilisée ainsi qu’à la personnalité de son fondateur José Rexach. Avec ce média, il y a toujours une part de surprise, d’imprévisibilité ! Les contenus varient entre des reportages comme celui du 25 mai 2021 sur les ventes d’armes françaises à des pays qui n’entrent pas dans le Traité sur le commerce des armes (TCA), des entretiens avec des personnalités engagées (Camille Étienne ; Gabriel Mazzolini ; Lamya Essemlali ou encore Cyril Dion), des micros-trottoirs intitulés « Humicro », des articles complets sur les impacts du dérèglement climatique et sur certains produits destructeurs du vivant, des bonnes nouvelles écologiques ou sociales et enfin des contenus humoristiques comme le partage de la vidéo du rappeur Vald durant laquelle il invite ses fans en plein concert à répéter des noms de légumes en leur expliquant que si tout le monde en mangeait cela pourrait sauver le monde ! Tout cela pour vous dire que je suis devenu un abonné assidu du contenu de Humeco et que j’ai eu envie de prendre contact avec eux pour leur proposer un échange avec pour objectif d’en faire un article pour mon site. Le fondateur, José Rexach, a directement accepté de se prêter à l’exercice. Je suis vraiment heureux de pouvoir vous proposer ce contenu qui se veut être une présentation de Humeco mais également le témoignage d’un jeune engagé pour la justice sociale et climatique !
Mes précédentes rencontres à cœur ouvert :
Sommaire :
1 – Présentation de l’invité
2 – Podcast et retranscription de notre échange
3 – Pour aller plus loin
Présentation de l’invité :
Nom et Prénom : José Rexach
Age : 30 ans
Particularités : fondateur de l’association Humeco et journaliste pour le média Blast
Informations complémentaires : « Pop, chill et bienveillant avec un ton de ras le bol du système »

Podcast et retranscription de notre échange :
J’ai essayé de vous faire un montage pour réduire la durée de l’audio mais aussi pour le rendre plus dynamique. Soyez indulgent sur la qualité, c’est la première fois que je monte un podcast ^^.

Pour ceux qui n’auraient pas le temps d’écouter l’ensemble du podcast, je vous propose de lire la retranscription des passages importants :
Est-ce que tu peux te présenter et nous parler de tes différents engagements ?
J’ai débuté par un bac pro commerce puis j’ai réalisé une année sabbatique durant laquelle j’ai enchainé plusieurs jobs dans différents domaines comme la maintenance, le commerce, à la poste et même dans une usine de draps. Par la suite, j’ai réalisé une licence Espagnol Anglais à Dijon. J’ai travaillé jusqu’à mes 27 ans dans le tourisme et l’hôtellerie. J’étais heureux simplement parce que j’avais de l’argent, sans vraiment me poser de questions. Je peux dire aujourd’hui que j’étais pleinement dans la société de consommation. Je suis d’origine espagnole, et dans ce pays il n’y a pas cette sensibilisation et cette invitation à s’engager pour des causes. Les valeurs tournent plus autour de la famille. Mon déclic a eu lieu lorsque je suis arrivé à Paris et que j’ai vu de nombreuses personnes dormir dehors. Je n’avais jamais été confronté à autant de misère, ce qui a déclenché en moi une prise de conscience des inégalités. Pour être plus précis, je suis passé d’un questionnement égoïste de « Qu’est-ce que j’y peux s’il y a des inégalités ? » à « Qu’est-ce que je peux faire pour aider ces personnes ? ». Mais ce n’est que quelques temps après que je suis véritablement passé à l’action. Je suis allé voir le film de Nadine Labaki « Capharnaüm » qui retrace la vie difficile d’un enfant libanais jusqu’à ce qu’il décide d’attaquer en justice ses parents pour l’avoir mis au monde. Je suis sorti de ce cinéma en état de choc. Je ne me voyais plus continuer à être dans le déni de ces inégalités et dans l’inaction. J’avais un peu d’argent de côté à ce moment-là, ce qui m’a donné la possibilité de changer radicalement de vie. J’ai mis en pause ma vie privée car je voulais prendre un nouveau tournant. J’avais le désir de partir faire de l’humanitaire et c’est pourquoi j’ai candidaté pour rejoindre l’école Bioforce à Lyon qui forme des personnes qui souhaitent s’engager dans cette voie. Il y avait un délai important d’attente entre ma demande et leur réponse ce qui m’a permis d’avoir le temps de continuer à creuser ces questionnements que j’avais. En effectuant des recherches sur internet, j’ai pris conscience que les causes animales, sociales et écologiques sont étroitement liées. Je ne me rendais pas compte que dans nos supermarchés on nous proposait des produits destructeurs du vivant. Je n’étais pas sensibilisé à ces enjeux, et je me suis demandé à ce moment-là : « Pourquoi personne n’en parle dans les médias ou à la télé ? ». C’est à partir de ce constat que j’ai décidé de monter un projet de média qui allierait le côté sérieux dans le travail mais cool dans la façon d’être avec l’objectif de « changer le monde ». J’ai commencé par apprendre à monter des vidéos, gérer une association, tourner des reportages terrain, puis j’ai acheté du matériel et ainsi de suite jusqu’à la création de Humeco. J’ai appris le métier de journaliste en allant dans les associations, en rencontrant des personnes, en étant sur le terrain… Le projet a grossi petit à petit pour être aujourd’hui à trois personnes à temps plein sur le projet, avec Axel et Raphaelle, ainsi qu’une trentaine d’adhérents.
Quand tu parles de tes engagements il y a HUMECO et aussi Blast ?
Oui c’est bien ça ! Avec Humeco, l’objectif est de sensibiliser les personnes via les réseaux sociaux aux enjeux sociaux et écologiques. Nous aidons également les associations en tant que bénévoles sur le terrain ou dans l’accompagnement de leur dispositif de communication, afin de les aider à accroitre leur visibilité. C’est primordial pour nous à Humeco d’être aussi sur le terrain ! Tout ce projet m’a permis d’être recruté comme journaliste pour le média Blast il y a quelques mois.
Mais tout ça sans jamais avoir fait d’école de journalisme ?
Oui, j’ai appris vraiment sur le terrain et grâce à internet.
Comment les journalistes accrédité.e.s voient les personnes comme toi qui arrivent sur le terrain ?
Pour moi, il y a deux types de journalistes : d’un côté tu as celles et ceux qui ne vont traiter l’information qu’en surface, sans chercher à être des contre-pouvoirs. Pour moi, ces personnes ne vont pas considérer mon travail comme du journalisme, mais pour être honnête c’est réciproque. Puis de l’autre côté tu as les journalistes que j’appelle « de terrain », qui vont chercher à mettre en lumière des informations utiles pour le bien commun en prenant des risques. C’est grâce à elleux que j’ai découvert un monde que je ne soupçonnais pas. Il y avait du respect, de la chaleur humaine, du partage, de l’entraide… J’ai appris ce métier à leur contact et grâce à leurs conseils. La carte de presse ne sert en vérité plus à grand-chose. Aujourd’hui, détenir cette carte ne te protège pas dans certaines situations comme les manifestations et les affrontements avec la police. Dans ce parcours journalistique, Paloma Moritz m’a beaucoup aidé et c’est en partie grâce à elle si j’ai été embauché sur Blast. Sur ce média j’ai été recruté en tant que journaliste CM, ce qui implique que je participe à tout ce qui est montage des contenus et des réalisations de reportage sur le terrain. Je suis trois jours par semaine sur Blast et le reste du temps sur Humeco. Je ne pouvais pas lâcher ce projet qui est tellement important pour moi. En réalité, je ne vois pas comment je pourrais vivre sans Humeco. C’est ma contribution au monde, comme une signature personnelle. C’est mon bébé !
Comment tu présenterais Humeco à quelqu’un qui ne vous connaitrait pas ?
C’est une association qui prend la forme d’un média avec plusieurs objectifs qui sont : sensibiliser, informer et éduquer sur les thématiques environnementales, sociales et animales. Pour la forme, nous réalisons des contenus adaptés aux réseaux sociaux avec une rigueur journalistique. Nous pouvons apporter une formation de graphisme, de montage ou de journalisme à nos adhérent.e.s. Par exemple, l’un de nos bénévoles est parvenu à être accepté en école de journalisme grâce à son passage à Humeco. Tout le monde est gagnant dans ce mode de fonctionnement car les adhérents nous aident à faire vivre l’association et eux iels en retirent des bénéfices pour leurs projets personnels et professionnels. Nous avons pour projet, dans les années à venir, de permettre de la réinsertion grâce à Humeco. Ce n’est aujourd’hui qu’un projet mais j’ai vraiment la volonté d’ajouter cette dimension à l’association.
Tu as confié dans une vidéo avec le média Pangaa que tu n’as jamais été aussi proche du bonheur qu’actuellement avec ton engagement à Humeco. Qu’est-ce que tu pourrais nous dire sur ce qui a changé dans ta vision du monde et dans ton rapport au bonheur depuis que tu as fondé Humeco ?
Pour l’anecdote, je continue à dire cela alors qu’en réalité c’est très compliqué et difficile ce que je vis avec Humeco. Il y a plein de choses à gérer, des épreuves, des difficultés en permanence… Mais en même temps, je suis épanoui par le sens que j’y trouve et par cette prise de conscience que j’ai eue. Avec le recul, je peux dire que j’ai percé la bulle dans laquelle j’étais auparavant ce qui m’a offert la possibilité de devenir indépendant, de m’engager, de m’ouvrir aux autres et au monde. Mon bonheur, c’est vraiment cet éveil qui a été le déclencheur d’un basculement dans ma manière d’être au monde. Il ne s’agit pas de nier les difficultés, mais de dire que je suis sur un chemin qui fait sens pour moi. De plus, je me dis que mon parcours va peut-être éveiller d’autres personnes !
En lien avec cette idée d’éveiller d’autres personnes, j’aimerais savoir si toi aussi tu as des personnes qui t’inspirent ?
Non pas vraiment, à part des personnes comme Paloma. Celles et ceux qui m’inspirent, c’est des gens que je connais, qui sont préoccupé.e.s par le bien commun et qui mettent tout en œuvre pour te faire monter avec elles.eux dans leur réussite. Je te dis cela car je ne suis pas attiré par les personnes célèbres. La « fame » n’est pas quelque chose qui m’intéresse. Il y a une autre personne qui m’inspire c’est Gabriel Mazzolini. Pour celles et ceux qui ne le connaitraient pas, il est porte-parole des Amis de la terre et il se bat au quotidien pour changer le monde. Je peux citer également Marine Calmet, présidente de Wild Legal France et avocate pour les droits environnementaux.
Cela fait plusieurs mois que je consulte le contenu de Humeco et que je me rends compte que vous avez une alternance dans vos contenus avec des sujets lourds qui présentent des constats accablants, puis d’autres plus légers voire même des alternatives ou des solutions. Quel est pour toi l’objectif de cette alternance de contenus ?
Pour être sincère avec toi, si ça ne tenait qu’à moi il n’y aurait que des constats accablants qui décrivent la réalité de ce que l’on vit. Mais c’est impossible d’avoir cette ligne éditoriale car j’ai bien conscience que les personnes non sensibilisées refusent de regarder des contenus de ce type. C’est en grande partie pour cette raison qu’il y a sur Humeco cette alternance avec des touches d’humour afin de sensibiliser un maximum de personnes. Je vois notre projet comme un intermédiaire entre des personnes non sensibilisées et des associations qui agissent sur le terrain.
Cela me fait penser à la démarche de Johan Reboul, alias le Jeune engagé, qui est aussi dans cette démarche d’aller chercher ceux qui ne sont pas touchés par les messages des scientifiques ou des militants. Je voulais te demander si tu te considères éco anxieux ?
Je ne sais pas trop répondre à cette question car à partir du moment où j’ai été sensibilisé, je suis directement entré dans l’action de fond. Pour moi l’éco anxiété tu la dépasses par l’action. Avec le recul, je l’ai peut-être été les six mois durant lesquels je me suis enfermé chez moi pour m’informer et accumuler des savoirs dont j’allais avoir besoin. En 3 ans d’engagement, je n’ai pleuré que trois fois à cause de la situation climatique et de mon angoisse de l’avenir. Mais directement le lendemain je suis reparti à l’action et le combat continue !
Est-ce que tu te considères radical dans ton mode d’action ?
Oui, lors du tout début de mon engagement parce que j’ai côtoyé des militant.e.s très radicaux.ales dans leur manière de vivre. Mais ma famille m’a toujours permis de prendre du recul. Iels m’ont beaucoup aidé dans mes projets alors qu’iels n’avaient pas cette prise de conscience des enjeux sociaux et climatiques. C’est elles.eux qui me permettent de ne pas rester enfermé dans des bulles avec uniquement des personnes engagées. Pour ta question de la radicalité, bien entendu je suis végétarien, j’essaye de faire attention à ce que j’achète, à limiter au maximum l’achat de plastique même si malheureusement il y en a partout, j’évite d’acheter de nouveau vêtements, mon ordinateur et mon portable sont reconditionnés, plus de voyage en avion… Je fais vraiment attention à plein de chose, mais quand je suis avec des personnes comme ma famille, je m’autorise des petits écarts. Dans la vision que porte Humeco, c’est : « Fais ton possible, mais on ne t’en veut pas si tout n’est pas parfait ! ». Evidemment, si la personne a un comportement destructeur pour le vivant pendant longtemps et qu’elle en profite, là ça devient vraiment problématique. Pour nous, c’est primordial d’éviter d’entrer dans un processus de culpabilisation. Je te rappelle que j’ai été cette personne inconsciente des enjeux sociaux et climatiques et qui participait activement à maintenir ce système capitaliste. Quand tu sais cela, tu comprends mieux pourquoi ça serait déplacé pour moi d’aller engueuler ces personnes-là.
Dans l’interview avec Pangaa, tu as dit qu’il faut déconstruire ce que l’on a dans la tête comme l’éducation ou le système que l’on nous a transmis. Est-ce que tu peux m’en dire un peu plus sur cette déconstruction ?
Comment tu veux changer de vie et de façon d’être si tu penses toujours de la même manière ? Si tu ne remets pas en question le système, comment tu veux le modifier ? C’est impossible ! Il est nécessaire de déconstruire tout ce que l’on acquit afin d’opérer un changement profond de société.
Je pense qu’il y a beaucoup de peur autour de ce principe de déconstruction de ses acquis. Pour beaucoup, il s’agirait de faire table rase du passé. Alors que je pense que déconstruire c’est plutôt prendre ce qui nous a été donné et essayer de détricoter cela pour ensuite reformer quelque chose qui soit plus en cohérence avec notre vision du monde actuel. Le plus dur, c’est de parvenir à déconstruire quand il y a des conflits de loyauté, par exemple si tes proches ou tes amis restent figé.e.s dans une vision du monde différente de celle que tu essayes d’avoir. Comment faire perdurer le lien avec ces personnes quand tu opères une déconstruction ?
Pour être honnête, j’ai perdu pas mal de liens relationnels à cause de cette déconstruction que j’ai opérée car certaines personnes n’acceptaient pas cette évolution. J’ai parfois été obligé de mettre de la distance voire même de sacrifier des relations pour pouvoir continuer mon évolution. Là, on revient au bonheur dont nous avons parlé au début de l’entretien. Le plus important c’est d’être soi-même, d’avoir confiance en soi et de penser à ce que l’on veut être même si d’autres personnes ne l’acceptent pas. Tu perdrais trop de temps à vouloir changer des personnes qui refusent d’évoluer. Il faut parfois accepter qu’à certains moments, les chemins se séparent sans que cela soit irrémédiable.
J’ai remarqué que tu utilises régulièrement l’humour dans tes contenus et tes entretiens. J’étais il y a quelques jours aux journées d’été des écologistes, il y avait une conférence qui s’appelait « Humour dans l’adversité » avec notamment Marine Tondelier que tu avais interviewé pour Humeco. Et lors de cette conférence, une militante de Dernière Rénovation a pris la parole pour exprimer son dégoût et sa tristesse que l’on parle d’humour alors que l’on a que trois ans pour réagir et que la situation climatique est dramatique. Je voulais avoir ton point de vue sur l’utilisation de l’humour dans la sensibilisation et dans la lutte contre le réchauffement climatique !
Sur le fond, cette militante elle a raison. Nous ne sommes pas là pour rire et répondre à l’urgence climatique par le biais de l’humour. Au vu de la situation et des faits scientifiques, nous allons dans le mur si nous continuons sur cette trajectoire. Néanmoins, il y a plusieurs limites dans cette posture. Porter la charge d’être la personne qu’elle veut être, c’est-à-dire alarmiste, je pense que c’est d’une part très lourd à porter pour elle mais d’autre part je ne suis pas convaincu des résultats. Les personnes ne sont pas attirées par ce type de discours. Pour répondre clairement à ta question, je pense au fond comme elle, je suis touché par ce qu’elle dit et je me reconnais dans son message. En revanche, je reste une personne « chill », humaine et je tente aussi de m’adapter à la société dans laquelle nous sommes car sinon je pense que c’est impossible de la faire changer. Soyons réalistes, je pense que nous n’allons pas parvenir à changer le monde suffisamment rapidement pour répondre à l’urgence climatique et éviter la catastrophe. En revanche, je veux tout mettre en œuvre pour faire changer un maximum de personnes et au moins nous permettre de mieux nous adapter au monde de demain. Je pense que cette manière de faire est plus efficace pour permettre à des personnes de s’éveiller à ces enjeux. Je tiens à préciser que je ne fais pas non plus le « pitre » avec l’urgence climatique. Je tente simplement de le faire d’une manière compatible avec les dispositions des personnes en face.
Au-delà de ça, je pense qu’avec toutes les personnes qui sont engagées sur ce sujet, nous sommes conscient.e.s de l’ampleur de la catastrophe vers laquelle nous nous dirigeons. Je suis d’accord avec toi : sans l’humour, nous ne parviendrons pas à toucher certaines personnes à leur faire ouvrir les yeux sur la situation. Il y a également un autre aspect essentiel dont tu n’as pas parlé : « Comment nous pouvons tenir psychiquement sans l’humour ? Comment garder suffisamment d’espérance en restant uniquement dans les constats accablants, les scénarios cataclysmiques et les conséquences de ce qui va arriver (et qui est déjà là) ? ». C’est nécessaire de se poser la question des moyens que nous mettons en place pour continuer à trouver la force et l’énergie nécessaires pour agir sans s’effondrer totalement psychiquement. Faire de l’humour, ce n’est pas être heureux en étant inconscient de l’ampleur du réchauffement climatique et de ses conséquences. Il s’agit plutôt de créer une bulle d’air dans un océan de noirceur et d’angoisse. Si les personnes qui sont conscientes de la catastrophe explosent en plein vol, il reste qui derrière pour changer nos systèmes ? C’est un peu le même débat que celui de ne pas avoir d’enfant au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Nathanaël Wallenhorst, docteur en sciences de l’environnement, m’avait permis d’ouvrir les yeux lors de mon entretien avec lui, sur le fait que si les militants ou les jeunes écologistes refusent de faire des enfants en pensant faire un geste pour limiter la population mondiale et donc les émissions de carbone, qui va en faire ? Probablement celles et ceux qui n’en auront rien à faire des enjeux climatiques ce qui risque d’amplifier encore le décalage entre les volontés d’action des prochaines générations et les mesures que nécessite l’urgence climatique.
C’est dans l’équilibre que nous pouvons trouver une forme de vérité. Si nous parvenons à nous adapter au changement, nous vivrons dans un monde beaucoup plus dur mais avec plus de savoir-faire, de conscience de la situation, de savoir être…
Je reste convaincu que si les personnes n’ont rien à gagner à agir elles n’agiront pas. Ce qui me permet de tenir et d’agir c’est le constat que le changement climatique met sur la table des questionnements et des remises en question qui ne seraient pas arrivés sans cela. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, il y a un objectif commun à l’ensemble des pays du globe, même s’il n’est pas encore partagé par tou.te.s. Cela me pousse à me demander « Qu’est-ce que ça peut changer dans nos rapports au monde, aux autres, au vivant dans sa globalité ? ». Nous parlons enfin de justice sociale grâce à la prise de conscience de l’urgence climatique ! J’ai besoin de croire que je lutte pour aller vers une réelle amélioration du système, même si ce nouveau système sera dans un monde beaucoup plus hostile et imprévisible. C’est vital pour moi !
[À écouter dans le fichier audio à partir de 34 minutes : débat sur la polémique Mbappé / Galtier, ce que cet évènement nous dit de la prise de conscience, l’après polémique…]
Qu’est ce qui explique pour toi que les noms qui reviennent le plus souvent pour parler de la jeune génération qui s’engage, c’est-à-dire Camille Etienne, Greta Thunberg, Salomé Saqué, Paloma Moritz, Vanessa Nakaté, quelque fois Hugo Clément même s’il est plus centré sur la cause animale, sont quasiment toujours des noms de femmes ? Quel est ton point de vue sur la faible présence des hommes dans la lutte contre le réchauffement climatique et la destruction du vivant ?
Chez Humeco on est quatre hommes et il y a 70 % de femmes dans l’association. Il y a plus de filles qui sont sensibles et ouvertes à ces sujets. Je connais aussi beaucoup d’hommes qui sont très engagés mais qui ne sont pas sur le devant de la scène. Je pense que c’est en partie les médias qui décident qui va être placé.e à la lumière.
Tu ne penses pas qu’il y aussi une grande part d’acquis sociaux qui pourraient expliquer cet écart d’engagement entre les sexes ? La sensibilité par exemple n’est pas quelque chose de valorisé chez les hommes.
Oui je suis d’accord avec toi, notre société n’éduque pas les hommes et les femmes de la même manière. Je pense être un homme très sensible et je l’assume, ce qui peut expliquer mon engagement.
Prendre soin de soi, de la planète et du vivant ce n’est pas toujours bien vu chez certains hommes.
Oui c’est probablement parce que certains hommes enfermés dans des visions virilistes, peuvent se sentir agressés de voir un autre homme qui assume sa sensibilité et qui s’engage là où eux ne parviennent pas à poser des actes. Pour revenir à ce que je disais tout à l’heure, j’ai peur d’une chose en ce moment à propos de la vision du monde que l’on peut se créer en fréquentant en permanence des personnes « éveillées » aux enjeux climatiques. Est-ce que nous n’avons pas l’impression que la prise de conscience arrive vite alors qu’au final c’est simplement parce que nous sommes dans des bulles dans lesquelles les personnes évoluent rapidement sur ces enjeux ?
Pour ma part, je ne fréquente pas encore suffisamment de personnes éveillées à ces enjeux pour pouvoir répondre à ta question. En revanche, je remarque que mes proches ou des amis qui ne sont pas des personnes qui appartiendraient à cette bulle dont tu parles, sont progressivement en train de prendre conscience de l’urgence climatique. Il n’y a pas encore les actes mais il y a des questionnements sur le sens, sur notre système et sur l’avenir qu’iels n’avaient pas il y a encore quelques mois. En lien avec ce constat, je voulais te demandais ce que tu dirais à un.e jeune qui a conscience des enjeux climatiques mais qui désespère de la situation ?
Agir ! C’est l’unique moyen d’avancer avec sa prise de conscience. Il est important de parvenir à utiliser ses qualités et ses compétences singulières pour le bien commun en les mettant au travail dans les luttes sociales et écologiques. Nous avons toutes et tous quelque chose en nous à développer et à utiliser pour le bien commun. J’en suis la preuve. J’étais dans l’hôtellerie et le tourisme et je suis maintenant journaliste chez Blast après avoir créé mon propre média. Toutes les compétences sont bonnes à prendre ! Camille Etienne nous disait la dernière fois que l’on « doit reconstruire un monde, donc il y a de la place pour tout le monde ! Chacun.e a quelque chose à apporter ! ». Il y a plein d’associations qui permettent de rentrer dans l’action, il suffit de se donner les moyens de chercher ! Moi j’ai commencé en faisant des recherches sur internet puis j’ai rejoint des actions d’associations qui m’ont permis de rencontrer de nouvelles personnes et ça m’a permis de débuter mon engagement. Dans la vie, si tu n’enlèves pas la flemme et le fait de vivre dans un confort, tu n’auras rien ! Avant j’étais toujours sur Netflix et devant la console, forcément je n’agissais pas donc rien ne venait à moi.
Ce que tu dis rejoint la dernière question que j’avais préparée : est-ce que tu as une phrase qui t’aide quand tu vas moins bien ou que tu sens que ça tangue dans ta vie ?
Alors non parce que Humeco c’est le sens de ma vie et qu’à aucun moment j’ai le doute de revenir en arrière avec mon ancienne vision du monde. En plus, j’aime trop la vie, je suis quelqu’un d’hyper optimiste même si en disant cela je me contredis par rapport à tout à l’heure (rire). Je crois en plein de choses donc non je n’ai pas forcément besoin d’une phrase qui m’aiderait quand je vais moins bien.
Est-ce que tu as une phrase que tu aimes bien alors ?
J’aime bien Orelsan dans ses mots car il y a toujours plein de beaux messages dans ses textes. Il dit par exemple : si tu veux faire quelque chose fais-le ! (« Si tu veux faire des films, t’as juste besoin d’un truc qui filme. Dire j’ai pas d’matos ou pas d’contacts, c’est un truc de victime ! » ; Orelsan « Notes pour trop tard »). Dire que tu ne peux pas être journaliste parce que tu n’as pas une caméra, c’est trop facile ! Il suffit juste d’un appareil qui filme. Qui ne tente rien n’a rien. Il faut tout mettre en œuvre pour s’offrir des opportunités de réaliser ses rêves !

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Pour aller plus loin :
Pour découvrir le contenu de Humeco :
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Je vous partage également le site du média indépendant Blast que je suis très régulièrement :
Il y a plusieurs mois, j’avais publié sur mon compte Instagram @ressentiretcomprendre un contenu sur les comptes à suivre pour mieux comprendre les enjeux climatiques :
José nous a parlé du film Capharnaüm qui a été un élément déclencheur dans sa prise de conscience des enjeux sociaux. Voici la bande annonce du film :
Et pour terminer, je vous invite à écouter cette chanson du rappeur Orelsan que José a citée à la fin de notre entretien :
Merci José pour ton témoignage !
Très bel entretien. Merci à toi et José !
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